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Passionné de nature depuis son enfance, Vincent Romera est un photographe français qui parcourt le monde afin d’analyser, de mesurer et d’anticiper les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement. Ce qui fait de lui un écologue. Il est aujourd’hui responsable de projets au sein de l’ONG française, HUMY. Son métier l’amène à constater l’impact négatif de l’homme sur la nature et sur l’espèce humaine.

Nous le retrouvons, entre deux aéroports, où, indigné, il revient du Sulawesi en Indonésie.

 Il tient à témoigner du constat qui le révolte, à savoir qu’un écocide majeur est en train de se perpétrer en Indonésie, au profit de l’occident, sous prétexte de transition écologique, et dans un silence médiatique assourdissant…

Aujourd’hui, dans Dissonances, il sera question de déforestation, de disparition des peuples premiers, de l’extraction outrancière et écocidaire du nickel, et du saccage de la planète au profit des plus riches, et dont les pots cassés sont payés par les peuples des pays du Sud et leur environnement naturel.

Illustration musicale :

Groupe Hadouk Trio

HK : L’empire de papier 

Moustaki Georges : Il y avait un jardin…

Pour aller plus loin :

La vidéo évoquée par Vincent Romera : https://www.youtube.com/watch?v=69bbZ7mTUy4&t=81s

L’article de Reporterre : https://reporterre.net/A-cause-des-voitures-electriques-un-peuple-indonesien-risque-l-extermination

L’ong HUMY : https://www.humy.org/

Bande annonce du film « Sauvages » sur la déforestation à Bornéo : https://www.youtube.com/watch?v=Lef3eSIqHEw

En marge de la COP 16 qui vient de se tenir en Colombie, et entre deux salles de réunion, une spécialiste des ressources minières et de la géopolitique internationale a échangé avec Vincent ; voici ses propos en rapport avec la possibilité d’un moratoire sur le nickel en UE :

Le monde des ONGs et des activistes, ne se rend pas compte à quel point l’UE est affaiblie depuis plus d’une décennie dans sa capacité à être un acteur de poids sur la scène internationale. La diplomatie extérieure et le rayonnement européen sont à l’agonie. Et l’UE elle-même ne s’était pas réellement rendue compte de sa perte de puissance jusqu’à ce que récemment, dans la course aux métaux critiques liés à la transition énergétique elle se retrouve complètement désarçonnée par la Chine. L’UE a beaucoup trop sous-estimée l’importance des minerais et métaux critiques alors que la Chine et la Russie sont positionnées sur ces sujets depuis bien longtemps.

 Elle dit qu’aujourd’hui la diplomatie européenne est à genoux et qu’elle l’est d’autant plus face à l’Indonésie qui alimente l’UE en différents produits vitaux dont certains métaux critiques (nickel en 1er lieu). Pour elle, il est inconcevable que l’UE demande un moratoire sur le nickel et/ou produits dérivés, car l’Indonésie grince déjà des dents depuis la loi EUDR et les relations Indonésie / UE se sont très nettement ternies, « l’UE ne se tirerait pas une balle dans le genou mais dans le coeur, ce serait du suicide ». En revanche, elle pense qu’un « moratoire multilatéral » est une solution envisageable et plus réaliste (bien que très difficile à mettre en place). Un accord entre des pays de l’amérique du nord et l’UE, par exemple, pour la mise en place d’un moratoire serait une solution, mais elle semble vraiment certaine que l’UE n’ira pas au front en solo, les risques sont bien trop grands pour l’économie européenne.

Elle suggère également de potentiellement s’appuyer sur les JETP ( https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/comment-les-jetp-peuvent-ils-etre-utiles-la-cop-28 ), dans ce cadre un accord entre Afrique du Sud et UE pourrait aussi être envisagé pour demander un encadrement plus strict et de véritables normes dans la supply chain du nickel indonésien.

 Un point positif est que les USA ont récemment attaqué le nickel indonésien sur les aspects « non respect des droits humains », même si cela est très probablement juste une menace indirecte liée aux conflits économiques entre la Chine et les US, ce positionnement inattendu pourrait être une potentielle ouverture vers un moratoire sur le nickel (avec l’UE?!). https://asiatimes.com/2024/09/us-may-block-indonesia-nickel-on-forced-labor-issues/

Légendes des cartes et photos:

 » Concessions minières délivrées par le Ministère de l’énergie et des ressources minières (ESDM) uniquement pour nickel et fer, état des lieux en 2020. Cette carte montre que les deux principaux foyers de production de nickel (Sulawesi Centrale et du Sud-Est) sont situés à équidistance des îles Sula qui sont presque intégralement couvertes de concessions minières pour l’extraction du minerai de fer. Ainsi, le minerais de fer extrait de Sula peut être facilement acheminé jusqu’aux smelters et aciéries présentes sur les îles de Sulawesi et Halmahera. Cette position stratégique est donc parfaite pour l’industrie de l’acier inoxydable. Ces petites iles, Sula, abritent elles aussi une faune et une flore exceptionnelles dont de nombreuses espèces endémiques rares et menacées, si rien n’est fait elles semblent tristement condamnées à devenir un vaste terrain vague de 200 km de long… »
Zoom sur la branche sud-est de Sulawesi. Concessions minières autorisées par l’ESDM (en rouge),  concessions minières retirées du marché par l’ESDM mais servant de base de données pour les activités minières illégales (en orange hachuré) et Key Biodiversity Area (en vert hachuré). Les données datent de la mise à jour de juin 2024.
Récemment un article publié dans la revue Science Frontiers (Dinerstein et al., 2024), présente les forêts primaires de Sulawesi, catégorisées en forêt humide de plaine et forêt humide de montagne, comme faisant partie des écosystèmes les plus importants pour la conservation de la biodiversité à l’échelle planétaire. Pourtant, les forêts de plaine de Sulawesi sont concernées par des centaines de milliers d’hectares de concessions minières pour l’extraction du nickel.

– Les photos ci-dessous concernent la mine de Mandiodo dans la « régence » de Konawe Utara (équivalent de communauté de communes). Il s’agit d’une région qui concentre une très grande quantité de mines directement implantées le long du littoral. Ici, la baie et toute la portion de mer visibles sont enregistrées en tant qu’Aire Marine Protégée, pourtant il n’y a presque plus de vie dans ces eaux. C’est aussi ici que des analyses écotoxicologiques ont montré des concentrations anormalement élevées de cadmium dans un coquillage largement consommé par les populations humaines appelé « Lula », également les concentrations de mercure dans les eaux sont très élevées.

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